Chaîne d'approvisionnement : changement forcé

Logistique
Typography

Les chocs économiques qui ont suivi le Covid-19 montrent l'ampleur des changements à opérer dans le processus décisionnel des entreprises. Il s'agit désormais de s'appuyer sur les récents échecs pour repenser fondamentalement les approvisionnements et les politiques dont elles dépendent.

Dans une grande enquête mondiale sur les chaînes d'approvisionnement menée fin 2020, le spécialiste de l'assurance-crédit Euler Hermes a fait un constat accablant : 94 % des entreprises ont estimé que la crise du Covid-19 avait perturbé leur chaîne de valeur.

Peu d'entreprises ont échappé à un effet domino désastreux qui continue de mettre en péril d'énormes pans de l'économie.

Mais au milieu de l'accumulation de mauvaises nouvelles, la voix de nombreux observateurs soulignant le contexte d'aubaine qui accompagne le bouleversement gagne du terrain.

Walid Klibi, professeur chercheur en gestion de la chaîne d'approvisionnement à la Kedge Business School, est l'un d'entre eux.

"Il y a quelques années, l'ouragan Katrina et la catastrophe de Fukushima avaient déjà gravement perturbé les chaînes d'approvisionnement, provoquant une prise de conscience importante de l'idée de changer les organisations et les pratiques. Avec le tremblement de terre de Covid-19, ces questions sont désormais tout à fait d'actualité.

La modernisation et les solutions pour se réinventer sont au cœur des discussions", a-t-il décrit lors du Supply Chain Event de décembre dernier.

Selon lui, il est plus intéressant de parler d'incertitude que de risque : "Le terme "risque" n'a qu'une connotation négative, alors que le mot "incertitude" inclut également la notion d'opportunité, qui est liée à la gestion et aux approches à adopter."

Francisco Ovalle, responsable du développement de la chaîne d'approvisionnement chez Royal Canin, partage également cette vision du tremplin que peut représenter la crise actuelle : "Il est désormais beaucoup plus facile de convaincre les décideurs lorsqu'il s'agit de réforme.

Auparavant, même les responsables de la chaîne d'approvisionnement n'étaient pas toujours suffisamment sensibilisés. Le multi-sourcing s'est déjà considérablement accéléré."

Une prise de conscience massive

"Depuis un an, les entreprises qui ont été contraintes de trouver de nouveaux canaux de distribution en un temps record ont appris à leurs dépens qu'elles devaient moderniser leurs pratiques en matière de logistique et de transport.

La crise va clairement permettre un rebond de l'innovation dans ce domaine. Elle se traduira par une intégration accélérée des solutions de robotisation et de mécanisation", explique Isabelle Badoc, responsable du marketing produit chez Generix Group, un fournisseur de solutions collaboratives pour la chaîne d'approvisionnement.

La nécessité de devenir plus agile afin de pouvoir s'adapter à l'imprévu est au cœur de nombreux projets envisagés. "Il y a une prise de conscience croissante de ce que signifie l'efficacité dans l'exécution d'une chaîne d'approvisionnement, à savoir la capacité à prendre des décisions en continu face aux événements.

La capacité de simuler l'impact d'une décision sur la performance est très pertinente dans ce cas", poursuit-elle.

Avant le début de la crise sanitaire, les acteurs ayant le plus haut niveau de maturité en matière de supply chain se situaient dans les secteurs de l'automobile, de l'électronique ou de l'aéronautique, dans un contexte de chaînes d'approvisionnement mondialisées, impliquant des produits complexes et un partage des risques dans la conception.

Figuraient également dans cette catégorie les grandes entreprises de commerce électronique, une activité dont l'efficacité est étroitement liée à la performance de l'approvisionnement.

Les impacts négatifs en cascade de la crise actuelle invitent d'autres secteurs à renforcer leur expertise sur ces sujets. "On parle peu des faillites à venir dans les prochains mois, qui auront également un impact considérable sur les chaînes d'approvisionnement. Dès que les aides publiques directes cesseront, les créanciers réapparaîtront immédiatement.

Par conséquent, de nombreux acteurs des chaînes d'approvisionnement vont disparaître, même s'il est très difficile de savoir quels sont les acteurs les plus menacés", explique Laurent Giordani, associé chez Kyu, une société de conseil spécialisée dans la gestion des risques liés aux chaînes d'approvisionnement. Un nouveau regard est déjà porté sur la fonction d'approvisionnement.

"Il ne s'agit plus de réfléchir uniquement en termes de coûts, mais à travers le prisme des points de différenciation, de la maîtrise du risque associé", ajoute-t-il.

Pour réagir à ce post merci de vous connecter ou s'inscrire si vous n'avez pas encore de compte.