Les autorités espagnoles ont durci les contrôles aux frontières avec le Maroc en imposant, aux transporteurs routiers marocains, une limitation du gasoil contenu dans le réservoir de leur véhicule. Le contenant de ces réservoirs est considéré comme une importation, qui est réglementée par la Loi espagnole, et qui ne doit pas dépasser 200 litres. Certains professionnels du secteur rappellent que ces mesures de durcissement ont démarré fin 2019 et coïncident avec un renforcement des mesures anti-contrebande imposées par le Maroc. Tandis que d’autres lient ces actions avec la volonté de l’Espagne de freiner la concurrence Marocaine notamment dans ce contexte marqué par la crise COVID-19.
« IMPORTATION » DE CARBURANT, CE QUE DIT LA LOI
En Espagne, l’article 57 de la Loi 37/1992, du 28 décembre 1992 relative à la taxe sur la valeur ajoutée et traitant des importations de carburants et lubrifiants, fixe, pour le cas des « camions », une limite de 200 litres de carburant pour bénéficier de l’exonération de la TVA. L’ancien règlement européen en la matière a été modifié par le règlement n°1186/2009 du conseil de l’union européenne, du 16 novembre 2009, relatif à l’établissement du régime communautaire des franchises douanières. Ce règlement laisse la liberté au pays membres d’appliquer ou non la franchise carburant. En effet, l’article n°108 dudit règlement stipule que : « en ce qui concerne le carburant contenu dans les réservoirs normaux des véhicules automobiles utilitaires et des conteneurs à usages spéciaux, les États membres peuvent limiter l’application de la franchise à 200 litres par véhicule, par conteneur à usages spéciaux et par voyage. »
L'accord, signé le 3 octobre 2012, entre l'Espagne et le Maroc en relation avec le transport international de passagers et de marchandises par route précise, dans son article 15, que les véhicules immatriculés sur le territoire des parties contractantes, sont considérés comme temporairement importés et sont exonérés des droits de douane relatifs à la (i) circulation des véhicules et au (ii) carburants et lubrifiants contenu dans les citernes normales, avec les limitations prévues par la législation nationale des parties contractantes.
CONSÉQUENCES
Fragilisés par la crise sanitaire liée au COVID-19, les transporteurs marocains sont enclins à payer des amendes pour dépassement de la limite fixée par la règlementation européenne adoptée par l’Espagne. Sur la base d’estimation de 102.000 transit de camions TIR, et l’obligation de se provisionner à hauteur de 1.300 litres de carburant en Espagne, les professionnels s’attendent à un impact sur les sorties en devises. En effet, le montant total est estimé à 145 millions d’euros, soit 1,6 milliard de dirhams. La compétitivité des transporteurs marocains et de l’export sont en jeu.
QUE PEUT FAIRE LE MAROC
L’autorité portuaire de Tanger-Med a publié une note d’information indiquant que les semi-remorques isolées en charge originaires de l’Espagne seront soumises au contrôle exigé par le Ministère de l'Equipement, du Transport de la Logistique et de l'Eau sur la base des contrats de coopération. Ainsi, toute société ne disposant pas de contrat de coopération avec une société marocaine sera interdite d’entrer au territoire marocain.
Le Maroc est signataire de l’accord CEMT* qui donne accès à des autorisations multilatérales pour le transport international de marchandises pour le compte d’autrui par route, établies dans un pays Membre du CEMT, sur la base d’un système de contingent. Cet accord peut constituer une solution radicale notamment au problème des autorisations avec l’Espagne (Cf. Newsletter N° 8 de l’OMCL, Octobre - Novembre 2018, p.15).
Pour certains marchés, il est temps d’examiner les possibilités de liaisons directes sans transiter par l’Espagne. A titre d’exemple, la compagnie maritime française « La Méridionale » lancera, en Novembre, une liaison en roulier, pour les marchandises, entre le port de Marseille et le port de Tanger. C’est une opportunité à saisir pour les flux transitant par l’Espagne en destination d’autres pays d’Europe. Le port de Marseille a déjà prévu un espace dédié d'un terre-plein d'une superficie finale de 13.810 m² destiné à la constitution d'un espace RoRo affecté principalement à la manutention et au stockage d'unités roulantes à destination du Maroc.
(*) La Conférence Européenne des Ministres des Transports (CEMT) s’est transformée en Forum International des Transports (FIT) à la suite d’une Déclaration adoptée par le Conseil des Ministres de la CEMT lors de la session ministérielle tenue à Dublin les 17 et 18 mai 2006.
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