Samir/GPM: La guerre s’intensifie

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Les distributeurs accusent le raffineur d’ingérence

Samir rétorque qu’aucune loi ne lui interdit de distribuer

L’impact de ce malentendu est réel

C’EST peu dire que l’entrée sur le marché de la distribution de produits pétroliers d’un producteur-fournisseur, en l’occurrence le raffineur Samir, n’est pas du goût du Groupement des pétroliers du Maroc. Encore aujourd’hui, «le GPM s’interroge sur les intentions du raffineur Samir» qui, selon lui, «s’est débrouillé une autorisation pour exercer le métier de la distribution».

Une sorte de malentendu qui remonte déjà à la création, en 2011, de la filiale par le raffineur, dédiée à la distribution: la Société de distribution de carburants et combustibles (SDCC). Un choix assumé. D’autant plus, «aucune loi n’interdit au producteur, comme c’est d’ailleurs le cas dans le monde entier, de distribuer ses produits», rétorque un cadre chez Samir.

A sa création, son directeur général, Youssef Ouhilal, justifiait que «la SDCC ambitionne d’anticiper les attentes des institutions, entreprises et particuliers, en proposant les dernières innovations qui apportent une réelle valeur ajoutée aux consommateurs». Au-delà de ces ambitions commerciales, la pertinence de ce choix réside en ce qu’elle permet au raffineur de s’intégrer en aval mais aussi de sécuriser ses ventes, eu égard à l’augmentation des ses capacités de production de plus de 2,7 millions de tonnes actuellement.

Une façon de combler la baisse inexorable de ses parts de marché. D’ici à 2017, le raffineur envisage d’investir entre 600 millions et 1 milliard de DH pour asseoir son réseau de distribution fort de 200 stations-service. Si les ténors du secteur, Afriquia (465 stations) et Total Maroc (318) ne sont pas directement menacés, les 13 autres acteurs ne devraient pas faire le poids.

Il n’empêche que devant le fait accompli, le Groupement des pétroliers ne s’avoue pas vaincu. Maintenant, dit-il, que le raffineur exerce sur toute la chaîne de valeur,«il doit respecter les règles de libre concurrence». Mais que lui reproche-t-on au juste? «Il ne peut être intégré en aval et demander une forme d’exclusivité en amont». En clair, Samir ne peut pas faire d’un côté concurrence ouverte aux sociétés de distribution, en se mettant à la distribution via sa filiale SDCC, et de l’autre, exiger de ces mêmes sociétés concurrentes de s’approvisionner chez lui.  

Pour charger la mule, le GPM demande à Samir d’assumer les conséquences de ses choix, en décidant délibérément de réduire sa production de -18% à fin mai (cf. L’Economiste du 22 août 2013). Le GPM pointe du doigt surtout la baisse de production du fuel pour «maximiser » ses marges en mettant le paquet sur le gasoil.

Or, le marché du fuel, qui concerne les plus gros industriels du pays notamment pour la production de l’électricité, est fortement demandeur. Pour Adil Zyadi, président du GPM, la liberté d’entreprendre implique aussi que chacun assume ses choix stratégiques. «Le raffineur doit arrêter de faire payer à la communauté économique ses erreurs de jugement», martèle Zyadi.

La guerre est déclarée. Et si tout cela était imputable aux conséquences non assumées de la libération du marché de l’importation des produits pétroliers, qui s’est fait ressentir sur les comptes du raffineur? L’entreprise a enregistré en 2012 un résultat net consolidé négatif de 131 millions de DH, un fonds de roulement négatif et un ratio d’endettement de 1,6.

La faute aux importations massives des distributeurs dont l’un deux s’en est donné à cœur joie, en commandant 70% de ses besoins sur le marché international. A rappeler que le raffineur dispose d’une capacité nécessaire pour couvrir 70% des besoins du pays en produits pétroliers.     

Toujours est-il qu’on s’éloigne encore plus de l’idée originelle de la création de la raffinerie. A sa création en 1959, «le but était d’avoir une raffinerie indépendante des pétroliers afin de pouvoir négocier l’approvisionnement du brut avec plusieurs fournisseurs de manière à sortir avec des prix plus bas que les niveaux internationaux. C’est là-dessus que l’on peut réaliser des bénéfices et dégager une rentabilité pour l’économie du pays», confiait Abraham Serfaty, alors expert au ministère de l’Energie. Aujourd’hui, «nous n’avons pas seulement des produits raffinés plus chers et de moins bonne qualité par rapport aux standards internationaux. C’est un véritable scandale», dénoncent les détracteurs du raffineur. Pour eux, «la plus grosse erreur dans la privatisation de Samir fut de n’avoir pas intégré des clauses spéciales concernant l’approvisionnement en brut dans l’appel d’offres». Et cette erreur, Serfaty l’a toujours imputée ouvertement à Abderrahmane Saïdi, alors ministre de la Privatisation, puis PDG de Samir!

 

                              Par L'Economiste